31 octobre 2007

Une pensée pour Habib Ould Mahfoudh

Le 31 octobre 2001, tu nous quittais …
Comment ne pas penser à toi en ce jour, un mercredi aussi, de la première manifestation de l’opposition de l’ère de la démocratie « guidée » dans laquelle on nous a fait entrer comme une offrande de nos « gardiens », tuteurs autoproclamés.
La dernière fois qu’on s’est quitté, c’était le 30 octobre 2001, tu étais sur ton lit d’hôpital, nous avons parlé un peu, tu étais extenué, somnolent sous l’effet des médicaments mais tu pouvais toujours esquisser un sourire à tous tes visiteurs…
C’est ce sourire que je garde toujours en mémoire.
En cet automne parisien, où le son des cloches de Notre-Dame, à quelques mètres, pénètre dans les chambres, même des soins intensifs, couvrant ta faible voix, on t’entendait, on n’entendait que toi…
« Je dirai quelques mots sur toi, comme écrivait Saint-Exupéry parlant de son camarade Guillaumet, mais je ne te gênerai point en insistant avec lourdeur sur ton courage ou sur ta valeur professionnelle. C’est autre chose que je voudrais décrire… »
La démocratie en marche. Eh oui, la démocratie !
Tu fus avec un groupe d’amis des précurseurs de la libre expression en quittant vos emplois ingrats de professeurs d’enseignement secondaire dans un pays livré aux prédateurs. Le créneau était libre, voire désert, car il n’y avait pas de journalistes ou si peu, souvent dans le giron du pouvoir en place quel qu’il soit.
Ce fût Mauritanie Nouvelles, El Bayane puis Le Calame… Une vraie épopée avec la fameuse rubrique hebdomadaire Mauritanides. Pour l’enfant du Nord qui a grandi dans l’Iguidi, ce berceau de la parole non dite ou parole-parabole, c’était là une autre forme d’expression. La vraie Mauritanie défilait enfin pour le lecteur amusé mais aux traits de plus en plus graves car la vérité, qui s’étalait au fil des lignes, était amère. La dictature et la libre expression surveillée formaient un couple impossible. Quand c’étaient des plaies ouvertes qui se découvraient, c’étaient des saignées thérapeutiques pour certains…
Je reviens à l’hôpital en parlant de toi, je ne sais pourquoi…
Ils étaient tous là, tes amis et tous ceux qui te connaissaient. Même tes « victimes » étaient peinées.
Tout le monde t’a fait un dernier coucou devant l’amphithéâtre de l’hôpital, l’Hôtel-Dieu, avant que tu ne retrouves pour toujours ta terre de Mauritanie.
Depuis ton départ, le régime n’a pas changé malgré les formes et quelques soubresauts.
Ce mercredi 31 octobre est un test pour la démocratie dont tu as été un des promoteurs.
Une mobilisation sans précédent est attendue pour faire bouger « les masses inertes », pour que la démocratie soit un fait, une réalité et ne s’arrête pas à des élections biaisées.
La prise de conscience générale précède le changement qui entraîne inéluctablement l’expression libre sans contrainte féodale, tribale ou ethnique du citoyen.
La Mauritanie de demain est toujours possible… Et je revois ton sourire.
Merci Habib !

Yanis

Publié dans "Hommage pour Habib Ould Mahfoudh" sur www.canalh.blogspot.com